Je suis partie 15 jours à La Réunion avec un couple d'amis en Novembre 2015. Je travaillais alors déjà sur le blog en coulisses, et ce voyage constitue son point de départ puisque j'y ai réalisé mon premier reportage culinaire. Le 'Poivre' de 'Poivre & Zeste' était certain à ce moment-là !
Au cours de ce voyage nous avons eu l'occasion de goûter à de nombreux plats et ce fut pour moi un festival de découvertes ! La cuisine créole est à l'image des habitants de l'île : métissée ! Sur les marchés, au restaurant, dans la rue ou dans des refuges : nous n'avons jamais été déçus.
Cirque de Mafate : Après 7 heures de rando, nous arrivons dans un gîte merveilleux (Gîte du coeur de Mafate, 839 m d'altitude). Un adorable couple mafatais nous accueille. Nous nous joignons à un groupe de randonneurs du Club Alpin Français pour faire nos étirements devant un panorama à couper le souffle sur tout le cirque de Mafate. Nous passons ensuite tous à table, épuisés mais heureux d'avoir la chance de nous trouver là où nous sommes. Ici aucune route. Les produits dans notre assiette viennent tous du jardin, sauf le porc fumé (boucané) qui vient d'un village voisin du cirque.
Ce soir-là nous avons mangé un boucané papaye accompagné d'un de gratin chouchou (christophine), riz et maïs, rougail piment mangue, et soupe de pois (qui adoucit le feu du piment). En dessert un cake à la banane. Un repas ne se termine jamais sans rhum arrangé. Nous nous sommes tous amusés à en trouver la composition et ça n'était pas simple... cannelle, marjolaine, citronnelle, orange, gingembre.
A l’origine, le rhum arrangé était un mélange de rhum et de 2 orchidées: la vanille et le faham. Le faham fait aujourd’hui partie des espèces menacées. Aujourd'hui on y fait macérer plusieurs mois des fruits, écorces, épices et chaque famille a sa recette bien gardée.
Le Nord de l’île : Nous avons eu la chance de voyager au moment des récoltes de canne à sucre, et avons donc croisé de nombreux ‘cachalots’ au nord de l’île qui acheminent leur cargaisons de cannes à sucre jusqu’aux sucreries.
Si le rhum arrangé sert de digestif ou d’apéro, la Dodo accompagne les repas ! La Dodo, c’est la bière locale qui représente la publicité dont tout le monde se rappelle en revenant de voyage ! Sur les murs, les cases, les sets de table : elle est vraiment partout. Comme le dit le slogan ‘La Dodo lé la’ (même dans l’avion !). Elle s’appelait la Bourbon mais c’est l’oiseau qui constitue son logo qui a remplacé le nom d’origine. Le dodo est l’oiseau endémique de l’île Maurice (voisine), aujourd’hui disparu.
Et s’il a disparu, c’est la faute à l’homme (étonnant non ?!) qui l’a fait disparaître de la surface de l'île donc de la surface terrestre à la fin du 17ème siècle. L’oiseau ne savait pas voler, il s’est adapté sur une île sans prédateur, ni vif ni méfiant donc et … l'Homme est arrivé. Il a détruit son habitat naturel et mangé sa chair et ses œufs…
Saint-Denis : Après une promenade le long de la rue de Paris à la découverte des belles maisons coloniales en bois aux décors néo-classiques, nous mangeons au Grand marché de Saint Denis. Marché couvert qui propose essentiellement à la vente de l'artisanat de Madagascar, l'île voisine (800 km séparent tout de même les 2 îles). Derrière les échoppes de paniers tressés et de nappes brodées, nous trouvons ce petit resto qui nous a conquis. Comme souvent, nous commandons 3 plats différents que nous partageons. Ici dans l'assiette : rougail saucisse, cari espadon, poulet oignon, rougail mangue et les habituels riz et soupe de pois.
Le cari, d'origine indienne, signifie 'ragoût' en Tamoul. C'est une préparation mijotée dans une cocotte en fonte à base de viande, poisson ou fruits de mer. On y ajoute ail, oignons, curcuma (appelé ‘safran pays’) et tomates. Ils se sert toujours avec du riz et une graine (lentilles, pois ou haricots).
Le rougail, mot d'origine indienne également, désigne 2 préparations distinctes: le 'rougail pilon' est un condiment qui accompagne très souvent les caris à base de piment. Il est également un plat à part entière, dit ‘rougail marmite’ qui est un ragoût. A la différence du cari, il n’y a pas de curcuma dans le rougail ‘marmite’.
Si nous apercevons des temples Tamouls sur toute l’île, c’est au Nord que la culture indienne est la plus présente autour de Saint André. Nous n’avons pas pu trop approcher du Colosse car la fête de Dipavali s'y préparait, mais nous avons pu admirer ce temple qui est un joyau du culte hindou. Nous nous sommes ensuite arrêtés dans un resto indien qui ne payait a priori pas de mine et encore une fois, l’accueil fut extrêmement sympathique et nous y avons très bien mangé : poulet soja, poulet mine, daurade brèdes. Nous avons ensuite visité une vanilleraie. J’y reviendrai…
Côte Sauvage : Ce jour-là nous avons fait le tour complet de l’île en faisant une dizaine de stops, pour terminer la journée aux festivités de Dipavali à Saint Denis. Nous avons mangé le midi Chez Jo, à Manapany les Bains et ce fut mon coup de cœur du séjour. Nous pouvons ici manger à table ou choisir l’option à emporter (très souvent proposée dans les restos !). Nous choisissons d'emporter nos plats pour les manger face à l’océan. Pour moi 'espadon crème de combava' (fabuleux !), un bonbon piment et un accra !
Cirque de Salazie : Le but de cette journée était de visiter le joli petit village créole coloré d’Hell Bourg au fond du cirque de Salazie. Nous avions aperçu le cirque quelques jours plus tôt depuis la forêt de Bélouve.
Chez Alice semble une bonne adresse de resto recommandée par des voyageurs. Ils proposent en effet une cuisine ‘lontan’ très savoureuse. Je choisis des samoussas et bouchons, mes amis goûtent le cari crevettes et le rougail saucisse: les quelques marmites en fonte d'aluminium, typiques de l'océan indien, sont déposées sur la table. J'ai eu depuis l'occasion de voir comment elles étaient fabriquées dans un documentaire de mon globe cooker adoré Fred Chesneau aux Comores et c'est assez impressionnant.
Côté streetfood, on trouve de nombreux ‘camions-bars’ sur les marchés et sur les digues de certaines villes côtières. On peut notamment y manger les samoussas et bouchons (raviolis vapeur à base de porc ou poulet) qu’ils mangent dans des sandwiches. Quelle drôle d’idée !? … mais après tout, ça n’est pas plus bizarre que des frites dans un américain...
Les réunionnais sont les rois du pique-nique. Mais attention, on ne pose pas juste un plaid sur la plage pour y manger baguette et saucisson. C’est beaucoup plus sérieux : on cuisine à la maison, et on amène les 12 marmites par famille voire même les meubles du salon et le lit du bébé et on vient s’installer jusqu’au coucher du soleil sur une plage à l’ombre des filaos ou dans les ‘hauts’ plus frais. On trouve de nombreuses tables, kiosques et barbecues partout dans l’île. De beaux moments conviviaux et de partages intergénérationnels ! Et en pique-nique comme au resto, les réunionnais mijotent les plats au feu de bois. Et ça c’est top !
Un petit-déj on ne peut plus banal peut d’ailleurs devenir mémorable dès lors qu’il est pris dans un environnement aussi somptueux que celui du Gîte du volcan après un lever de soleil derrière la pente du piton de la fournaise dont on se rappellera longtemps !
Pour résumer, dans l’assiette on retrouve des influences indiennes, mais aussi africaines, malgaches et chinoises. Chaque peuple est arrivé sur l’île avec ses traditions, notamment culinaires et cela donne un joyeux mélange très harmonieux.
Comment ramener un peu de La Réunion à la maison ? Nous avons passé du temps au marché le dernier jour et j’ai ramené de la vanille bourbon évidemment, mais aussi des ananas Victoria, des petites bananes, des citrons combava et des mangues vertes (pour les rougails), et du rhum pour arranger tout ça. Et pour des nostalgies qui surviendraient après, il existe le service ‘Colipays’ qui livre des colis de produits frais de l’île de La Réunion en métropole. Je préfère choisir l’option d’y retourner un jour pour goûter à nouveau à toutes ces réjouissances sur place !
Heureusement, il n’était ici question que de cuisine. Je vous laisse imaginer la taille de l’article si je vous avais parlé de la nature somptueuse, surprenante, du lagon, de la côte sauvage, des temples Tamouls, des randos difficiles mais si belles, du volcan, des gens absolument adorables, etc… etc… etc… Mais que voulez-vous ? L’île intense est passionnante ! Je ne résiste pas à l'envie de glisser quelques photos (notamment du gecko qui se délecte de sa plante !).
Il manque ici un point essentiel de la gastronomie réunionnaise à aborder : la vanille ! Ca fera l’objet d’un autre article très bientôt !
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